Les personnes âgées, de plus en plus abandonnées ? Le phénomène du Granny Dumping

Vous souvenez-vous de l’histoire du petit poucet ? Ce conte pour enfants que l’on connaît tous raconte comment des parents ont abandonné leurs enfants , car ils ne pouvaient plus s’en occuper.Et si les rôles étaient inversés ? Incroyable, non ? Pourtant, abandonner un proche est un phénomène qui peut également toucher les adultes. Et ce n’est malheureusement pas un conte. 

Roger Curry, un septuagénaire américain souffrant de démence, a été retrouvé seul, sans ses papiers d’identité, à une station de bus à plus de 7 000 km de chez lui. Son fils lui avait acheté un aller sans retour de Los Angeles à Londres car il n’était plus en mesure de financer ses frais médicaux. Il avait pour dessein de le faire prendre en charge par les services de soins de santé locaux. Il s’est alors rendu coupable de “Granny Dumping”. 

Finense vous en dit plus sur ce phénomène dans cet article.

1. Le “Granny Dumping”, ou abandonner une personne âgée, un phénomène mondial inquiétant

– Qu’est-ce que le « Granny Dumping” ?

N’ayant pas de traduction française, le “Granny Dumping” (lit. “se décharger de grand-mère”), peut se définir comme le fait de se décharger, d’abandonner un personne âgée dont on a la responsabilité dans un lieu public : un hôpital,  une maison de retraite, ou parfois même à l’autre bout du pays (voire dans un pays étranger), avec ou sans ses papiers d’identité et ses informations de santé.

Les premières traces de ce phénomène apparaissent au Japon. Le terme Ubastute (soit “abandonner une vieille femme”) ou Uyasute (“abandonner un parent”) faisait référence à une légende, une pratique ancestrale sordide consistant à abandonner unepersonne âgée, généralement en période de famine, dans un endroit isolé et abandonné comme une montagne ou une forêt lointaine, afin de le laisser mourir.

Ce phénomène mondial toujours assez méconnu s’est re-popularisé dans les années 1980 et prend malheureusement aujourd’hui de plus en plus d’ampleur, notamment du fait du vieillissement de la population et du contexte socio-économique. En effet, à l’échelle mondiale, les personnes âgées de 65 ans et plus sont près de 4 fois plus nombreuses en 2020 qu’en 1950. Malheureusement, les périodes durant lesquelles le “Granny Dumping” explose sont en général les périodes de fête, de vacances ou encore les week-end. 

– Quels sont les pays les plus touchés par l’abandon de personnes âgées ?

Dans certains pays, tels que les Etats-Unis ou le Japon, ce phénomène est encore plus accru qu’en France, du fait du coût de certains soins ou de prises en charge onéreuses et non remboursées. Dès 1992, le quotidien New York Times mentionne déjà que des millions d’américains sont proches du point de rupture avec la charge que constitue la responsabilité de s’occuper de leurs parents malades et âgés. On dénombrait alors plus de 70 000 cas d’abandon par an rien qu’aux Etats-Unis, contre plus de 100 000 cas par an aujourd’hui.

Des centaines de personnes âgées sont également abandonnées au Japon chaque année, menant ainsi les associations caritatives à instaurer ce que l’on appelle des “senior citizen postbox”, soit littéralement des “boîtes postales pour citoyens séniors”. Cette initiative permettrait ainsi aux familles n’ayant pas les moyens de s’occuper d’un parent âgé de le laisser dans un endroit précis dans lequel il sera pris en charge par des personnes prévenues, au lieu de les laisser seules dans des espaces publics.

2. Pourquoi abandonner son proche âgé ?

Dans la plupart des cas, prendre la décision d’abandonner une personne (qu’elle soit âgée, ou non) est souvent une action désespérée du proche aidant, à la suite d’une incapacité ou d’une impossibilité pour lui d’assumer cette responsabilité et de s’occuper de la personne âgée dont on est en charge.

Les victimes de “Granny Dumping” sont souvent des personnes âgées dépendantes et souffrant de démence, d’Alzheimer, ou de maladie apparentées. 

Plusieurs facteurs peuvent conduire une personne à une telle extrémité :

– Le temps consacré à l’aide : 

Être responsable d’une personne âgée demande un engagement conséquent et beaucoup de temps : rendez-vous médicaux, services à domicile (jardinage, cuisine, ménage, toilette etc.) ou encore gestion administrative ( papiers, impôts, comptes bancaires, etc).

Au quotidien, s’il est tout seul à en avoir la responsabilité, le proche peut être amené à devoir quitter son travail, perdant ainsi sa source principale de revenus. 

A noter : mises à part les aides financières, un aidant familial ne percevra de salaire que si son proche le rémunère pour son service. 

– La charge mentale : 

On ne le mentionne pas assez, mais être responsable d’une personne âgée est une charge mentale, qu’on le veuille ou non. La fatigue, le stress, des problèmes personnels ou professionnels peuvent transformer une aide volontaire en fardeau.

Si la personne âgée n’a pas de proche directe, il est possible qu’elle soit prise en charge par un membre éloigné de la famille, comme un cousin ou une tante. Le “Granny Dumping” peut alors être tout simplement causé par une non volonté de s’encombrer d’une personne que l’on ne connaît pas et dont on nous a plus ou moins imposé la responsabilité. Celle-ci, officialisée ou non, est perçue comme une tâche dont seul l’abandon semble être l’issue. 

– L’ampleur de la tâche :

Le proche peut être dépassé par la situation : s’occuper d’une personne implique de maîtriser les bons gestes, et être vigilant en matière de santé. Et ce d’autant plus si ses capacités physiques ou cognitives sont altérées. Autant de précautions qui ne sont pas à la portée de tous mais qui sont nécessaires même si on n’est pas un professionnel de l’aide à la personne. 

Face à la démence d’une personne âgée, le proche se sent désemparé ce qui peut le conduire à abandonner le membre de sa famille. 

– Le coût financier : 

Il va sans dire que prendre en charge une personne âgée n’est pas une mince affaire : il faut être en mesure de subvenir à tous les besoins de celle-ci, tout en continuant de répondre aux siens et à ceux de son conjoint et / ou de ses enfants. 

Et même si le proche a un salaire, même si la personne âgée touche une retraite plus ou moins élevée, il est parfois très difficile de joindre les deux bouts, du fait de dépenses imprévisibles et du caractère onéreux des soins et des services nécessaires aux personnes âgées. 

Dans le cas où la personne âgée vivrait seule chez elle, il faudrait également avoir les moyens de mettre en place des aides quotidiennes (qu’il s’agisse d’aidants professionnels ou de matériel plus adaptés afin d’améliorer son autonomie).

3. Abandonner son proche âgé ne résout pas le problème

Prendre une telle décision peut être très violent et choquant pour une personne âgée. Même si elles sont en situation d’incapacité (défaillance cognitive, physique etc.), elles n’en demeurent pas moins des humains dont les droits fondamentaux doivent être  respectés. Les abandonner à leur sort dans un environnement inconnu, afin de mettre un terme à l’assistance quotidienne qui leur est prodiguée n’est en aucun cas la bonne solution à prendre, même si vous êtes acculés et que vous cherchez à vous décharger d’un poids budgétaire et moral.

En effet, rien ne garantit que ce proche sera bel et bien pris en charge par un professionnel compétent et qu’il recevra les soins et l’encadrement dont il a besoin. Finalement, les hôpitaux, déjà surpeuplés des suites de la crise sanitaire du Covid-19, se voient ajouter une charge de travail supplémentaire, qui aurait pu être largement évitée, d’autant plus que parfois, ces personnes âgées ont davantage besoin d’un suivi social que de soins médicaux.

Bon à savoir : Comme tout type d’abandon, le « Granny Dumping » est puni par la loi.

Selon le code pénal, “le fait de ne pas exécuter une décision judiciaire […] imposant de verser au profit d’un enfant mineur, d’un descendant, d’un ascendant ou du conjoint une pension, une contribution, des subsides ou des prestations de toute nature dues en raison de l’une des obligations familiales prévues par le code civil […] est puni de deux ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.”

4. Que faire si je ne suis plus capable de m’occuper de la personne dont je suis responsable ?

L’important est d’anticiper : n’attendez pas de vous trouver dans une voie sans issue pour réaliser que vous avez besoin d’aide.

N’hésitez pas à vous renseigner pour connaître les bonnes pratiques : il y a très certainement dans votre entourage quelqu’un qui a vécu ou qui a eu connaissance d’une situation similaire. Rappelons-le, on recense aujourd’hui plus de 15 millions de personnes âgées en France (soit 22% de la population française !) et 1 personne sur 5 a à sa charge une personne âgée.  Rapprochez-vous des assistantes sociales, des organismes de votre ville, ou du département.

Communiquez avec votre entourage. Qu’il s’agisse de vos frères et sœurs ou des autres membres de votre famille, de vos amis, de votre conjoint ou bien de votre belle famille, vous n’êtes pas seul. En mettant la coopération au centre de ses services, une solution comme Finense vous permet de compter à votre tour sur les autres membres de la famille.

Si vous n’êtes pas dans cette situation, restez vigilant. 

Ce phénomène est bien plus courant que l’on ne le pense, témoigne d’une grande souffrance de part et d’autre et touche tous les individus en situation de dépendance et / ou de vulnérabilité : personnes souffrant de handicaps, enfants, personnes âgées etc.